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Channel: Auteurs en T – Mot-à-Mots

Dieu, le temps, les hommes et les anges – Olga TOKARCZUK

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Antan a tout l’air de n’être qu’un paisible village polonais. L’existence y est ponctuée par le temps : le temps d’aimer, de souffrir puis de mourir. Antan est situé au centre de l’univers – coeur du monde, coeur des hommes, coeur de l’histoire. Mais qui préside à son destin ? Dieu, qui du haut des cieux lui envoie les maux et les bonheurs dévolus aux humains, ou le châtelain Popielski, envoûté par le Jeu du labyrinthe que lui a offert le rabbin et qui, d’un coup de dés, renverse peut-être l’ordre des choses ? Un homme se transforme en bête, les âmes des morts errent dans le bourg jusqu’à se croire vivantes, des animaux parlent à une vieille folle… Au cours ordinaire de la vie se substitue brutalement la guerre avec son cortège d’événements diaboliques. J’ai aimé suivre Misia, depuis sa naissance jusqu’à sa mort : son mariage, ses enfants, ses voisins et son moulin à café. J’ai aimé son frère un peu simplet, Isidor, amoureux de Ruth, née le même jour que sa soeur. J’ai eu de la peine pour Ruth qui fait un mariage malheureux. Je me suis demandée quel était ce drôle de jeu que le rabbin donne au châtelain (Jeu instructif pour un seul joueur). J’ai aimé la nature généreuse des jardins des habitants, pleine de petits et de gros fruits. J’ai découvert le tachisme, courant artistique qui vient après le futurisme. J’ai aimé que chaque chapitre soit de le temps d’un personnage. J’ai suivi depuis ce petit village l’histoire de la Pologne au 20e siècle. Une lecture ponctuée de marques-pages. Quelques citations : Lorsqu’Il se regarda pour la première fois, le Verbe fut prononcé et il sembla à Dieu que la connaissance consistait à nommer. (p.127) Toutes les choses s’unissent entre elles. C’est comme ça depuis toujours. Le besoin de s’unir est le plus puissant de tous. (p.202) L’image que je retiendrai : Celle de la grande maison de Misia qui accueille tout le monde. Robert Laffont, 21 mars 2019, 419 pages

L’ami – Tiffany TAVERNIER

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Le roman s’ouvre sur un couple de français moyen habitant à la campagne. Ils ont des voisins charmants avec qui ils partagent tout, ou presque. Jusqu’à ce petit matin blême où le GIGN débarque chez eux pour arrêter Guy et Chantal. Commence alors pour Lisa et Thierry une descente aux enfers. Thierry ne comprend pas comment il a pu se lier si facilement d’amitié avec le tueur en série, son voisin. Pourquoi ne l’a-t-il pas vu enterrer les cadavres des jeunes filles dans son jardin ? Certes, ils partageaient une passion commune pour les insectes et Guy n’avait pas afficher sur son visage ce qu’il faisait la nuit. Tout de même, ça fiche un coup. Et Lisa qui le quitte… Par petites touches, nous découvrons le métier de Thierry, son peu de contact avec ses collègues, uniquement passionné par les réparations qu’il a à effectuer. Et puis son enfance entre un père militaire qui crie de l’intérieur et une mère dépressive. Ses seuls bons moments, il les a vécu avec son grand-père, en pleine nature, face au Sancy. J’ai aimé Thierry le taiseux, dont la carapace de confort éclate violemment. J’ai eu de la peine pour lui qui perd tout en l’espace d’une matinée. Je me suis parfois reconnue, parfois pas du tout, dans ce personnage qui restera énigmatique, mais qu’importe, nous suivons une phase critique de sa vie. Bien sûr, certaines situations sont parfois caricaturale, comme avec le fameux ermite, mais j’ai préféré y croire. Le style haché de l’auteure, avec beaucoup de virgules, m’a agacé en début de lecture. Et puis je me suis faite à sa petite musique qui a participé au fait que je ne lâche pas ce roman. Un roman noir ou perce parfois un peu de clarté, ou la violence tapie peut ressurgir à tout moment. Une lecture forte et un personnage inoubliable. Une citation : Il était temps à ton âge que tu saches que les ténèbres existent. Sache que la lumière a déjà gagné. (p.203) L’image que je retiendrai : Celle du jardin de Guy, l’ami, le voisin, percé de trous. Sabine Wespieser, 7 janvier 2021, 262   Lu grâce à ma librairie préférée et au Prix RTL-Lire

Memorial Drive – Natasha TRETHEWEY (RL 2021)

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Le 5 juin 1985, Gwendolyn est assassinée par son ex-mari, Joel, dit  » Big Joe « . Plus de trente ans après ce drame qui a changé sa vie, Natasha Trethewey, sa fille, affronte enfin sa part d’ombre en se penchant sur le destin de sa mère. Tout commence par un mariage interdit entre une femme noire et un homme blanc dans le Mississippi. Suivront une rupture, un déménagement puis une seconde union avec un vétéran du Vietnam. À chaque fois, Gwendolyn pense conquérir une liberté nouvelle. Mais la tâche semble impossible. Ce livre de non-fiction est donc un hommage à la mère de l’auteure, morte tuée de deux balles par son second conjoint. Mais l’auteure prend le partie de nous parler de sa naissance puis de son enfance. Elle est en effet née d’une mère noire américaine et d’un père blanc canadien dans un état qui ne reconnaissait pas les mariages inter-raciaux. Elle est d’ailleurs traitée de zèbres par les enfants du quartier qui ne savent pas la classer blanche ou noire. Mais c’est surtout le second mari violent qui pose problème au duo mère/fille. Rien de bien nouveau sous le soleil du Mississippi, malheureusement. J’ai été effarée de lire certaines retranscriptions de conversations téléphoniques entre la mère et le second mari qui menace ouvertement de la tuer tout en l’accusant. Lunaire ! Et personne n’a protégé cette femme qui s’est battue pour s’en sortir tout en protégeant ses enfants…. De belles réflexions profondes sur le traumatisme parsèment le livre. Quelques citations : Ces peurs (être jetée en prison en étant innocente ; être internée en étant saine d’esprit ou être enterrée vivante) exprimaient l’impuissance, la vulnérabilité face à des forces sur lesquelles je n’avais aucune prise. (p.94) Si le traumatisme fragment le moi, alors que veut dire garder le contrôle de soi ? (p.95) En anglais, to be beside oneself signifie que l’émotion qui nous submerge, comme le chagrin ou la peur, est si intense qu’on a l’impression d’être hors de son corps. Les chercheurs en théorie cognitive suggèrent que parler du traumatisme ou le mettre par écrit peut aider à guérir la déchirure ouverte par l’événement dans le tissu du moi. (p.115) L’image que je retiendrai : Celle des bloc-notes jaunes que l’auteure et sa mère utilisent tout le temps. L’Olivier, 19 août 2021, 224 pages Lu pour le Club lecture de ma librairie préférée

Un tesson d’éternité – Valérie TONG CUONG

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Pendant toute ma lecture de ce récit plutôt violent, je me suis demandée pourquoi la jaquette donne à voir une bulle de détente… Car oui, ce roman est violent : d’abord parce que le fils d’une famille bourgeoise se retrouve en prison pour avoir frappé un policier. Ensuite parce que nous découvrons par petites touches l’enfance de Anna, la mère : une enfance sous le signe de la soumission à la bande du quartier. Anna a tout fait pour échapper à ses agresseurs et a profité de sa chance pour se construire une vie bourgeoise, propriétaire de sa pharmacie, vivant dans une grande maison surplombant la mer suite à un beau mariage. Son fils fréquente les meilleurs écoles et Clubs avec son ami Tim, jusqu’au jour fatidique. Un tournant après lequel Anna va se retrouver de nouveau seul. J’ai aimé cette femme qui a tenté comme elle a pu d’ignorer ses blessures, tenté d’appartenir à un monde qui n’est pas le sien. Mais je crois que je la préfère dans son geste final. Une citation : Elle pense à son propre sujet (du bac de philo) sur lequel elle planchait depuis plus de trente ans : L’homme a-t-il, par son action, le pouvoir de changer sa destinée ? (p.176) L’image que je retiendrai : Celle de l’importance de réseauter, même si ces fameux réseau ne lui servent pas à grand chose quand son fils est en prison. JC Lattès, 18 août 2021, 272 pages

La décision – Karine TUIL

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Je lis de plus en plus de romans qui abordent le sujet du terrorisme, soit du point de vue des victimes, soit de celui des terroristes et/ou de leur famille. C’est la première fois que je lis un roman ayant pour personnage principal un juge anti-terroriste.   J’avais oublié qu’il y a quelques années encore, ils jugeaient des terroristes d’extrême-droite ou gauche.   J’ai aimé découvrir le point de vue de celle (dans ce roman) qui doit trancher : le mari revenu de Syrie est-il un terroriste potentiel ? Doit-il rester en prison ou doit-il être libéré ?   J’ai découvert que cette décision ne se prenait jamais seul, mais en équipe. Le roman est en effet émaillé de plusieurs réunions entre juges de cette même branche.   Pourtant, la culpabilité est portée par celle qui a signé les documents.   J’ai aimé le regard de la narratrice sur les prévenus qui lui sont présentés, sur son rapport aux victimes : j’ai perçu ces moments comme ceux où la douleur pouvait être entendu, même si la réponse donnée sera forcément décevante.   J’ai aimé les citations qui parsèmes le roman, comme des phrases sur lesquelles on peut s’appuyer.   J’ai aimé que le mari soit aussi tourné vers la religion, juive en ce qui le concerne.   J’ai moins aimé la fin du roman dont le message m’a paru un peu plaquée : il faut se tourner vers la vie.   Une citation :   Une grande proportion des êtres que j’interroge sont issus de l’immigration et de quartiers sensibles, confrontés à la précarité et à la délinquance, souvent au trafic de drogue, parfois même au grand banditisme, et pourtant la question de la souffrance sociale est rarement verbalisée, pas plus que la colonisation. (p.82)   L’image que je retiendrai :   Celle de l’appartement de l’amant de la narratrice, un homme de gauche qui habite dans le VIe dans un 300m carrés.   Gallimard, 6 janvier 2022, 304 pages

Les maisons vides – Laurine THIZY

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Gabrielle est une jeune fille comme les autres, qui s’entraîne dure en GRS, est proche de son petit frère et de son arrière-grand mère.   Mais Gabrielle a les mains brûlées, et petit à petit commence à cacher des choses à ses parents.   J’ai aimé découvrir Gabrielle depuis sa naissance particulière jusqu’à son lent déclin, par chapitres alternés.   J’ai aimé l’arrière-grand mère venue d’Espagne pendant la Guerre. Une femme forte mais qui fait peser sur les frêles épaules de la jeune fille un poids bien trop lourd.   J’ai aimé la sainte vierge en statue qui intervient par ses mimiques dans la relation entre l’arrière grand-mère Maria et son arrière petite fille Gabrielle.   Le personnage de Gabrielle m’a parlé, bébé qui se bat en couveuse, petite fille chez qui rien ne dépasse, jeune fille qui se veut forte.   Mais son refus de faiblesse ne fera que la détruire.   J’ai aimé ces araignées qui tissent leurs toiles dans les bronches asthmatiques de Gabrielle et dont elle ne parle à personne, s’enfermant chaque jour un peu plus.   Je me suis demandée ce que venaient faire ces clowns Flip et Gino dans de courts chapitres. Et pourtant leur présence est indispensable.   Un roman fort qui m’a ému.   L’image que je retiendrai :   Celle de l’oreiller fleurit de Maria qui brule les mains de Gabrielle.   Editions de l’Olivier, 14 janvier 2022, 272 pages

Labyrinthes – Franck THILLIEZ

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Encore une fois j’ai aimé me plonger dans un roman de Franck THILLIEZ. Cette fois-ci grâce à ma libraire préférée Anne-Laure qui avait invité l’auteur cette année lors des Gueules Noires du Polar. Ce roman est le dernier volet d’une trilogie. Mais si comme moi vous n’avez pas lu les deux précédents tomes, ce ne sera pas un problème. Dans ce roman, j’ai aimé les cinq femmes : la journaliste, la psychiatre, la kidnappée, la romancière et la policière. Des indices que l’auteur a laissé dans les pages de son travail, seuls les miroirs brisés m’ont parlé. Mais j’ai aimé, dans le supplément caché, découvrir le coup de la voiture. J’ai aimé que ce roman réponde à la question si souvent posée à l’auteur : pourquoi écrivez-vous de telles horreurs ? Et nous, pourquoi les lisons-nous ? L’image que je retiendrai : Je connaissais Jean-Honoré Fragonard, peintre rococo qui donnait dans le pastel. J’ai découvert les Ecorchés d’Honoré Fragonard, cousin germain du sus-nommé, et ce n’est pas le même registre. Fleuve éditions, 5 mai 2022, 374 pages

La ligne – Jean-Christophe TIXIER

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J’ai aimé ce roman noir et sa galerie de personnages : Philippe qui tient le bar du village et son frère Jacques le pompiste qui veut devenir maire à la place du maire ; en face la famille Wasner dont le patriarche est le maire du village. Un maire qui prône l’apaisement après le tracé de la fameuse ligne blanche qui coupe le village en deux. J’ai aimé Louise, la fille agricultrice du maire qui se débat avec ses problèmes. J’ai aimé Philippe qui s’occupe de sa mère alors que ses frères la délaisse, découvrant ainsi un secret de famille. J’ai aimé le mari de Sophie, Tony, qui laisse sa femme gérer les chambres d’hôtes et sa fille : le mec pas chiant. J’ai eu de la peine pour Eric, coincé entre les ambitions de son père, son frère Doug dit papa-oui et sa mère qui n’a pas voix au chapitre. J’ai aimé que le pourquoi du tracé de la ligne reste inconnu, personne ne se posant la question. Enfin, j’ai aimé le remerciement de l’auteur à ceux qui créent des frontières. Un récit qui met en mots différents comportements humains lorsqu’une séparation apparait. L’image que je retiendrai : Celle d’Eric traçant dans la nuit d’autres lignes blanches. Albin Michel, 1 mars 2023, 352 pages

La mâchoire de Caïn – Torquemada

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Une énigme littéraire doublée d’un roman policier avec 6 victimes et 6 coupables en 100 petites pages, ça vous dit ? Le Livre de Poche nous offre enfin la possibilité de lire et de résoudre « l’énigme la plus diabolique du monde« . Seulement 3 lecteurs anglophones ont pu la résoudre entièrement depuis sa première parution en 1934. Je n’ai pas relevé le défit : d’abord parce que je n’aurai pas eu la patience de tout relire plusieurs fois, ensuite parce que je ne voulais pas y laisser ma santé mentale en risquant de ne pas trouver. Mais j’ai tour de même relevé quelques indices (ne pas lire la suite si vous voulez tenter l’aventure) : * un des narrateur boit différentes sortes de thés * un des narrateur parle de différents poisons * une narratrice joue avec les mots * un narrateur est Henry comme l’huissier de Shakespeare avec un couteau, et un couteau s’appelle Henri * un narrateur est un chien Pour tromper le lecteur, les pages ont été mises dans un certain désordre, mais parfois certaines pages se terminent sur un début de poème ou de citation, et la page suivante commence avec la fin d’une autre citation, d’un autre poème. Un bémol : le style pompeux. Certaines phrases ne sont pas toujours faciles à suivre (mais l’auteur était un verbicruciste de génie). Lu dans l’ordre, je ne suis pas certaine que ce livre m’aurait plu. Allez-vous tenter l’aventure ? Car Le Livre de Poche offre une récompense aux 3 premières bonnes réponses jusqu’au 7 février 2024. Le Livre de Poche, 8 février 2023, 224 pages

The Main – TREVANIAN

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J’ai aimé le travelling avant de l’ouverture du roman : cette longue description de ce qu’il se passe sur ce boulevard Saint-Laurent de Montréal un soir d’hiver. Une même description clôt le livre. Et il y en a, de la vie, sur cette artère un peu oubliée de la ville où se côtoient différentes nationalités : les italiens et les juifs, les SDF et les prostituées. Artère que les anglos appelle the Main : la rue principale. Un policier veille sur eux tous, rassurant par sa présence, faisant en sorte que rien ne dérape. J’ai aimé le lieutenant LaPointe, policier solitaire et veuf qui connait toutes et tous, qui joue aux cartes (au pinocle) deux soirs par semaine avec 2 commerçants et un prêtre, son pardessus pelucheux qu’il ne quitte jamais, sa relecture sans fin de Zola. J’ai adoré découvrir le vocabulaire spécifique à cette ville : le jouaf est la langue populaire des Québécois francophones de Montréal ; les robineux sont les clochards… J’ai aimé sa nouvelle aide Guttman, tout juste entré dans la police, qui voit d’un mauvais oeil les façons de faire de LaPointe. Pourtant, ces méthodes portent leurs fruits quand il s’agit d’éloigner du quartier un proxénète de mineures. J’ai eu plus de mal à cerner la jeune prostituée que LaPointe prend chez lui : va-telle le voler ? va-t-elle se servir de lui ? J’ai aimé la résolution de l’enquête, le meurtrier que l’on ne pouvait pas deviner. Bien sûr, j’ai aimé l’humour discret de l’auteur et l’ambiance du roman. J’ai quitté à regret ce boulevard et ses habitants. L’image que je retiendrai : Celle de l’appartement froid de LaPointe, qu’il ne chauffe que les rares nuits où il y dort. Gallmeister, 1 juin 2017, 384 pages




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